mercredi 17 septembre 2025

Maladie professionnelle après un long arrêt : quand la décision de la CPAM s’impose (ou non) à l’employeur

 


Ancien Secrétaire Général avec plusieurs années d’expérience, Pierre-René LAVIER met aujourd’hui son expertise au service des entreprises et des organisations privées à la recherche d’un accompagnement stratégique de haut niveau. Spécialisé dans la gestion des affaires juridiques, administratives et opérationnelles, j’ai acquis une solide expérience en matière de gouvernance d’entreprise, de gestion des risques et de conformité réglementaire

Une vieille histoire, toujours d’actualité

La protection des salariés contre les risques professionnels n’est pas nouvelle. Dès 1898, la loi sur les accidents du travail a instauré un système d’indemnisation automatique, complété en 1919 pour certaines maladies professionnelles. Après 1945, la Sécurité sociale a étendu la couverture, inscrivant le dispositif dans le Code de la sécurité sociale (art. L. 461-1 et suivants).
Dès l’origine, la décision de prise en charge par la CPAM était réputée opposable à l’employeur, afin de garantir l’unité du régime. Mais très vite, les juges ont reconnu aux entreprises la possibilité de s’y opposer en cas de procédure irrégulière.


Ce que dit la jurisprudence aujourd’hui

La Cour de cassation a précisé, au fil des arrêts, les contours de cette opposabilité :

  • Un délai de cinq ans pour contester : depuis 2022, l’action en inopposabilité se prescrit par cinq ans (Cass. 2e civ., 7 avr. 2022, n° 20-20.655). Fini l’incertitude sur une éventuelle imprescriptibilité.

  • Des garanties procédurales incontournables : si le dossier soumis au CRRMP ne contient pas l’avis du médecin du travail, la décision est inopposable (Cass. 2e civ., 19 oct. 2017, n° 16-23.109).

  • L’autonomie du juge du travail : même si la décision de la CPAM est inopposable à l’employeur, le salarié peut toujours invoquer le caractère professionnel de sa maladie devant le conseil de prud’hommes (Cass. soc., 10 sept. 2025).

En clair, l’opposabilité n’est pas un couperet définitif : elle dépend du respect des procédures et ne prive pas le salarié de ses droits devant le juge du travail.


Le cas particulier des arrêts prolongés

Lorsqu’un arrêt s’étend sur plusieurs mois, voire plusieurs années, les difficultés s’accumulent :

  • La prescription : le salarié doit déclarer sa maladie dans un délai de deux ans (art. L. 461-5 CSS), tandis que l’employeur dispose de cinq ans pour contester l’opposabilité.

  • La preuve médicale : plus le temps passe, plus le lien entre travail et pathologie est difficile à établir, d’où l’importance de l’avis du médecin du travail.

  • Le retour en entreprise : la reconnaissance du caractère professionnel a un impact direct sur le régime d’inaptitude, le reclassement ou le licenciement.


Quels enjeux pratiques ?

  • Pour le salarié : la reconnaissance, même tardive, ouvre droit à une meilleure indemnisation et peut fonder une action en faute inexcusable de l’employeur.

  • Pour l’employeur : vigilance maximale. Vérifier la régularité de la procédure, réagir vite en cas de notification irrégulière, et préparer les suites contractuelles (reclassement, aménagement, inaptitude).

  • Pour la sécurité juridique : la jurisprudence tend à équilibrer la protection du salarié et le droit de défense de l’employeur, mais au prix d’une grande technicité procédurale.


En conclusion

L’opposabilité de la décision de la CPAM à l’employeur, loin d’être une simple formalité, est un terrain de contentieux complexe. La tendance actuelle est claire : l’employeur dispose de leviers pour se défendre, mais le salarié conserve toujours la possibilité de faire valoir l’origine professionnelle de sa maladie devant le juge du travail.
Dans un contexte d’arrêt prolongé, cette articulation devient cruciale : elle conditionne à la fois l’indemnisation et le devenir du contrat de travail. Une matière où l’histoire longue de la protection sociale croise les enjeux contemporains de santé au travail.

Pierre-René LAVIER



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